Eclipse amoureuse #4
2 juillet : 0h30 : Anna-Lise et Rosean marchent sous la nuit. La longue route semble les accueillir. Un peu de froidure et de mystère les enveloppent. Les bras de surcroît enlacés, l’instant présent est ressenti dans sa perfection. Ils se promènent sans but, les étoiles protègent leur sourire, la lune les admire. A côté d’eux, la campagne bat son plein, l’air se dilapide de bonheur, leur dialogue est un présent continu.
Rosean se baisse, refait son lacet et se relève. Les deux amoureux savent que plus rien n’a d’importance. Au loin, les premières lueurs de la ville mais aussi celles du jour s’étirent pour marquer leur éveil et la fin des turpitudes nocturnes : les vampires et loups-garous retournent à leur couche respective, les babines envahies du sang des solitaires et des incrédules.
Le couple héroïque s’auto-rapproche, la félicité déborde et bientôt, s’exprime franchement. Enfin, ils reprennent le doux déplacement de leur âme unique vers le destin.
3 Juillet : 11h00 : Rosean est seule, Anna-Lise est sortie. Il souhaite qu’elle revienne, pour une fois, il a envie de revoir quelqu’un. Le doute l’envahit par une méthode subtile, et si soudain, la vie avait de l’importance, plus de présence que la facilité de la solitude. Bien qu’il essaie de chasser cette idée avec une arme à feu, juché sur le dos d’un éléphant ivre, Rosean sent qu’il doit aller rejoindre Anna-Lise. Il se défenestre de l’appartement, plane un moment jusqu’à l’arrêt de bus, arrache la porte de celui-ci qui était là pour ça. Le chauffeur refuse d’aller dans la direction imposée par Rosean, de même que les voyageurs. Mais le héros est seul juge, il sacrifie le conducteur sur l’autel de l’amour et du hasard. Rosean s’installe au volant et utilise les sièges éjectables pour être seul dans l’engin. La casquette des services urbains coiffée, il démarre sur les chapeaux melons et bottes de cuir. John Steed, désormais nu, se décide à violer Emma Peel, mais comme elle est très forte, il a le dessous et ne peut accomplir son forfait, étant précédé par Emma, toujours opportuniste dans ces affaires physiques. Rosean conduit, laissant aller son instinct, il tourne à gauche, puis à droite, écrase les piétons, roulant trop vite pour s’arrêter à des détails. Rosean voit enfin Anna-Lise qui l’attendait à un arrêt de bus. Ils partent ensemble sans autre bagage que leur joie d’être ensemble. Ils mettent le cap sur une ville du Sud pleine de soleil.
3 juillet : 17h : Le couple béni arrive à Ulia. Une cité immense perdue sous la mer. Ils restituent le bus à un garage contre une grosse somme d’argent car les assurances ont accepté de payer la rançon. Le travail n’est désormais plus une nécessité et comme il n’était pas un besoin non plus : nos deux héros s’en passeront allègrement pour continuer à nous enchanter de leur histoire.
Rosean est inondé de bonheur, son indifférence et son insouciance noires disparaissent peu à peu. Un hôtel mirifique vante ses mérites et les convainc de venir passer la nuit chez lui. En haut des marches, le portier vert éternue. Rosean, mû par les élans de son coeur neuf dit : « A vos souhaits ». Dans le quart de millisecondes qui suit, le moitié des clients de l’hôtel meurt de n’avoir laissé aucun pourboire, un jeune souvent aperçu chez la tendre épouse du portier s’étouffe puis voit ses tripes évacuer son ventre. Enfin, la rue se peint en jaune et les voitures disparaissent. Rosean est surpris de tout ceci et regrette un peu d’avoir parlé pour ne rien dire ce qui est contraire à ce qu’il est. De plus, ses propos dangereux ont été enregistrés par les micros de contrôle que l’Etat installe partout. Ces récepteurs sont là pour prévenir de toute révolte, de tout acte anticommunautaire et du moindre signe de politesse ou de courtoisie pouvant naître chez les citoyens. Néanmoins, un peu inconscients, Anna-Lise et Rosean entrent dans l’hôtel. Les garçons d‘étage s’occupent à jeter les cadavres par la fenêtre afin qu’ils soient récupérer par la voirie. Malgré cette apparente célérité, les grooms ont quand même le temps de vider les poches des défunts clients. Les lumières bleues donnent une connotation étrange à cette scène. L’ultraviolet permet de distinguer un domestique prenant la boussole d’un homme théoriquement mort qui refuse cependant de perdre le nord. La rose des vents automatisée choisit la liberté qu’elle voulait en se jetant sur le sol et en se brisant. Les deux hommes surpris un instant, recommencent tout de même à se battre car l’un a vu le mouchoir propre de l’autre. Ils finissent par s’entre-tuer à coups de radiateurs électriques. Anna-Lise, choquée, refuse de prendre l’escalier. Aussi, ils empruntent l’ascenseur, qu’ils rendront plus tard, quand ils auront atteint le 369eme étage. Le véhicule à ascension verticale est pris d’assaut par quelques survivants mais Rosean fait en sorte qu’ils ne soient que tous les deux dans la boîte à l’aide d’une simple grenade à hydrogène. L’ascenseur est blême, il ne parle pas, malade de sans cesse monter et descendre, sa bouche vomit du fil et des boulons. On entend d’atroces gargouillis métalliques, néanmoins, consciencieux, il gravit l’escalier.
Entre le 100eme et le 101eme étage, la bâte s’arrête d’elle-même. Rosean et Anna-Lise entendent un bruit, et par une trappe, surgit un chat noir. Ils se baissent pour écouter ce qu’il a à dire. Le félin prononce distinctement « miaou » et retourne à ses occupations dans les gouttières dégoûtés par tout ce qui se raconte. Le jeune couple a cependant compris le message, il faut partir. L’ascenseur, peu contrariant, accepte de redescendre moyennant finances. Maintenant, il est vraiment malade, son souffle devient plus fort, les câbles grincent : c’est le chant du cygne. Au rez-de-chaussée, l’engin meurt d’une embolie pulmonaire. Quand les amoureux réussissent à sortir, ils voient les derniers soubresauts du combat entre les garçons d’étage et les clients qui viennent juste d’être déclarés morts. Rosean vole une voiture sombre et rugissante, et les voilà, quittant le centre-ville pour se réfugier dans les bas-fonds de la banlieue, aux limites du dôme de verre protégeant Ulia de la mer. Là-bas vit une étrange faune et se récolte une subtile flore.
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